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Moins de larmes de crocodiles
Le secteur du luxe occupe une place singulière en matière de conservation de la biodiversité car il utilise les peaux d’espèces menacées. L’utilisation des reptiles pour fabriquer des chaussures ou des sacs à main les rend particulièrement vulnérables. Parallèlement, leur valeur marchande encourage fortement la protection des espèces. Les crocodiles ont vu leur nombre diminuer vertigineusement après la Seconde guerre mondiale, quand la demande de cuir a explosé, entraînant une chasse frénétique. En 1971, alors que la totalité des 23 espèces de crocodiles étaient en danger ou menacées d’extinction, l’UICN a constitué un Groupe d’experts Crocodiles. Un réel succès : huit espèces sont désormais en nombre suffisant pour faire l’objet d’un élevage régulé.
Parmi les mesures qui ont montré leur efficacité figure le ranching – la collecte d’œufs de crocodiles dans la nature et leur élevage dans les fermes. Les œufs se muent alors en source de revenu pour les populations locales, ce qui encourage ces dernières à protéger l’habitat des animaux. De fait, une destruction d’habitat constitue souvent une menace plus importante à la vie sauvage que la chasse ou le braconnage. “« Le ranching nous a permis de sauver plusieurs espèces de crocodiles », confirme Jean-Christophe Vié, Directeur adjoint du Programme Espèces de l’UICN.
Des serpents en vie!
La demande pour les peaux de python a également explosé depuis une décennie. Eux aussi doivent faire l’objet d’un suivi et d’une gestion attentifs. Helen Crowley, qui a travaillé à la Wildlife Conservation Society avant de devenir experte en conservation et services écosystémiques pour Kering, nous explique
“LES SERPENTS SONT UNE ESPÈCE DIFFICILE À CONTRÔLER, VOUS NE POUVEZ PAS VOUS CONTENTER D’ALLER DANS LA FORÊT POUR LES RECENSER : ILS SONT MYSTÉRIEUX ET DIFFICILES À TROUVER.”
En 2013, Kering et Gucci se sont associés au Groupe d’experts Boas et Pythons de l’UICN et au Centre du commerce international (CCI) pour créer le Partenariat pour la préservation des pythons (PPP). Celui-ci mène des recherches sur la durabilité, la transparence, le bien-être animal et les moyens de subsistance locaux afin d’améliorer les conditions du commerce des pythons et initier un changement au sein du secteur.
“LA PROMOTION D’UN COMMERCE DURABLE VA DE PAIR AVEC CELLE DE LA CONSERVATION DES PYTHONS, ET C’EST LA PRINCIPALE RAISON POUR LAQUELLE NOUS NOUS SOMMES ASSOCIÉS AU SECTEUR,”
confirme Tomas Waller, président du Groupe d’experts Boas et Pythons. Un champ de recherche porte sur la faisabilité de l’élevage en captivité, dans la mesure où les fermes peuvent parfois servir à blanchir des serpents capturés à l’état sauvage. Les résultats des études menées par le PPP sont rassurantes, explique Waller. “nous avons pu remettre en doute nos hypothèses antérieures et confirmer qu’une production à grande échelle de peaux de pythons en captivité est tout à fait possible ; elle est même déjà une réalité dans plusieurs pays d’Asie du sud-est.” Pour répondre aux préoccupations en matière de conformité, le PPP étudie les moyens de distinguer les peaux issues des serpents sauvages et d’élevage, grâce par exemple à des prélèvements de peau pour distinguer leur régime alimentaire.
Un crocodile dans mon jardin
Le PPP s’intéresse également à la valeur du commerce du python pour les communautés locales. Le potentiel des communautés à être des acteurs clés de la protection des habitats a récemment été mis en évidence à Madagascar, l’un des premiers pays à pratiquer la collecte d’œufs sauvages de crocodiles. Le système a bien fonctionné pendant des années mais a ensuite été dévoyé et, en 2010, un moratoire international a été imposé sur les exportations. L’interdiction a duré quatre ans.
En octobre 2014, Kering et le Groupe d’experts Crocodiles de l’UICN, en association avec le Centre du commerce international, ont uni leurs forces pour aider le gouvernement de Madagascar à contrôler et encadrer le commerce des crocodiles du Nil de Madagascar. Au cours du moratoire, les villageois ont commencé à détruire les œufs de crocodiles.
“QUI VEUT D'UN CROCODILE DANS LEUR JARDIN ? PERSONNE ! ”
confirme Helen Crowley " Ils tolèrent les crocodiles, et ne vont pas transformer leur habitat en rizières ni détruire leurs nids – s’ils peuvent gagner de l’argent en collectant les œufs. Si vous voulez que les gens protègent quelque chose, il faut que ce quelque chose ait une valeur à leurs yeux.”
Elle insiste en outre sur un aspect important : accorder une valeur économique à quelque chose n’altère en rien sa valeur intrinsèque. Sur la Liste rouge, le spare nasique est aussi important que le crocodile.